Jour 539 – 50 km
Jour-J
Les sacs accrochés, on sait qu’on monte sur les vélos pour la dernière fois. On se met alors à penser au retour, à la famille, au travail, à ce qui nous attend en Europe. On passe d’une hypothèse à l’autre, rapidement, sans vraiment pouvoir fixer son esprit sur un sujet en particulier. La route défile, réduite à une bande blanche un peu abstraite sur laquelle le regard s’accroche à peine. Au bout de quelques kilomètres on se fait peur : la dernière ligne droite sera-t-elle vaporeuse comme une vulgaire étape de désert ?
Hors de question.
Un peu à l’écart du bitume, abrité sous des arbres tordus, on tire d’une sacoche son baladeur. Écouteur sur les oreilles ; le silence se fait. Une voiture passe sans bruit. Lecture des favoris ; une guitare résonne. On pousse le volume. Un peu plus que de raison cette fois-ci…
La suite est plutôt confuse. L’Australie disparaît. Des branches forment un dôme végétal ? Nous sommes en Allemagne sur les routes de campagne. Un champ se perd à l’horizon ? Retour en Ukraine et Russie. Moutons, vaches et brebis ? Non, yaks des hauts plateaux tibétains du Qinghai. Les musiques s’enchaînent. Des instants forts du voyage resteront à jamais collés aux mélodies qu’on écoutait à ces moments-là. La mémoire revient, refrain après refrain : Pologne, Taklamakan, Kazahkstan, à chaque douleur son hymne, à chaque bonheur son harmonie.
La vitesse monte avec le tempo. Est-ce la perspective d’arriver ou les cris du chanteur qui font monter la pression ? Est-ce pour revivre une dernière fois le Kirghizstan qu’on se fait brûler les muscles dans les montées ? On hurle les couplets sans se soucier de qui les entendra. Les joues chauffent malgré le froid. Les jambes n’écoutent plus le cerveau. Est-ce la perspective de l’arrivée qui pompe l’adrénaline dans nos veines ? Est-ce vraiment le vent des descentes qui fait couler nos larmes ?
Puis arrive la dernière colline. À son sommet la vallée entière se dévoile. On s’arrête un instant. On regarde. On sait. On sait qu’au bout des zigzags il y a Sedan. On sait qu’après il y aura Cambrai. On sait qu’il n’y a plus de difficulté. Une tempête peut souffler, elle ne nous arrêtera pas. On sait qu’il n’y a plus qu’à se laisser aller dans l’aval. Nous avons franchi tous les obstacles. Nous avons esquivé tous les écueils. En surplombant la plaine, on sait qu’on a réussi son pari.
Tout en bas de la descente, le panneau blanc pointe vers une route de terre : « Cambrai, 13 km ». Un frisson…
Day 539 – 31 miles
D-day
Paniers hung, we know that ride the bicycles for the last time. We begin to think of the life back in France, the family, the job, what awaits us in Europe. We go from one hypothesis to the other, quickly, without being really able to keep our mind on a particular subject. The road goes on, reduced to an abstracted white strip on which the glance hardly hangs on. After a few miles we have to stop : will the final straight be as vaporous as a vulgar day in the desert ?
No way.
Away from the asphalt, sheltered under twisted trees, we pull of a bag our music player. Earphone on ears ; let there be silence. A car passes noiselessly. Favorite playlist ; a guitar screams. We push up the volume. A little more than we should this time…
After that, it gets rather vague. Australia disappears. Branches forms a green dome ? We are back on the German country roads. A field gets lost on the horizon ? Back in Ukraine and Russia. Sheeps, cows and ewe ? No, yaks of the Tibetan high plateaus of Qinghai. The great time of the journey will remain for ever stuck on the melodies which we listened to at these moments. Memory returns, tune after tune : Poland, Taklamakan, Kazahkstan, every pain its hymn, every happiness its harmony.
The speed rises with the tempo. Is it the prospect to arrive or the shouts of the singer that put the pressure ? Is it to feel like being in Kirghizia for a last time that we burn our muscles in the ascents ? We roar verses and chorus without caring about whom will hear them. Cheeks warm in spite of the cold. Legs do not listen to the brain any more. Is it the closeness of the arrival that pumps the adrenalin in our veins ? Is it really the wind of the descents that make tears rolling along our face ?
Then the last hill arrives. In its summit the whole valley comes to light. We stop for a moment. We look. We know. We know that at the end of the zigzags there is Sedan. We know that after it there will be Cambrai. We know that there is not difficulty anymore. A storm can blow, it will not stop us. We know that there is not more than a downhill now. We overcame all the obstacles. We dodged all the stumbling blocks. Looking to the plain, we know that we won our bet.
At the bottom of the descent, the white sign point towards a dirt road : « Cambrai, 13 kilometers ». A shiver…

Cambrai, 13km
E un seul mot : Bravo !
Congratulations. It was a impressive feat, and I’ve found your missives from the road to be captivating.
comme je comprends ce panneau indiquant Cambrai… presqu’irréel en somme ! je suis contente d’avoir des nouvelles de la dernière étape… et non la moindre… il fallait la faire celle là ! indispensable à ce pari gigantesque ! encore une fois bravo, pour votre ténacité, votre courage et votre sang froid quand même.. ou c’est peut être le sens de l’aventure avec un grand A.
bravo… et admiration !!!!!!!!!!!
That’s a really special moment, damn!
je me représente bien vos pensées à ce moment là , magique et incroyable …vous avez vu défiler en ces quelques derniers kilomètres , votre long parcours depuis tous ces mois ! est ce une délivrance , où le regret d’être malgré tout enfin arrivés ? ….votre blog , va nous manquer à tous c’est certain !
bonne suite pour le retour ! bisous CHARLES et SIUGI .
Cette aventure ci se termine mais vous aurez le temps d’en prévoir d’autres..et puis que de souvenirs , rencontres etc vous ramenez dans vos sacoches…ceci dit je vous comprends..pas vraiment envie de clore le chapitre..mais mes ti jeunes ..nous non plus..vous nous avez …vous nous avez captivez par votre périple et nous sommes fiers de vous..je vous embrasse très fort.
Plusieurs minutes après votre départ je fixais encore la rue par laquelle vous aviez disparu, comme si vos silhouettes allaient réapparaître. Il y a 18 mois, déjà… Beau bout de chemin, c’est le genre d’aventure qui vous change à jamais : partout où vous irez, quoique que vous déciderez de faire, vous aurez cette force et cette conviction que, oui, vous pouvez. Gardez ces images précieusement, tentez de partager ces moments qui n’appartiennent qu’à vous avec les gens qui voudront être inspirés. J’ai le sentiment que c’est une autre aventure qui commence, maintenant. A bientôt !
… j’ai rien compris …
😉
Cambrai 7 km ? On croirait,à s’y méprendre, un panneau fiché à la sortie de Naves ou de Cagnoncles. Non, c’est bien en Australie, à plus de 21000 km de là ! Et on s’y est rendu en vélo. Presque incroyable, mais vrai !!!
Mes félicitations pour votre courage,votre ténacité et votre PHYSIQUE, car il a fallu s’y rendre,tout là bas……. par la force des mollets.
Je crois qu’un peu de repos vous fera grand bien.
Bisou à tous les deux.
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recevoir des nouvelles me manque beaucoup… je ne viens pas tous les jours mais lorsque je viens, je cherche s’il n’y a pas quelques nouvelles…
comment ça va ? il faut que je cherche le billet expliquant le retour…
tout cela va nous manquer ! les nouvelles vont nous manquer !!!!!!!!!!!!!!!!
bisous à vous 2
Superbe post pour cloturer une aventure vraiment magnifique 🙂
Vous êtes en or Charles & Siugi,
Merci d’avoir sué pour nous faire voyager pendant 1 an et demi 🙂